23 mai – Les conversations du train

L’un de mes péchés mignons depuis que je suis à nouveau dans un pays où je comprends ce qu’il se passe autour de moi est d’écouter les conversations des gens dans le train.

Ce soir, dans le 18h15 qui va à Neuchâtel, mes oreilles traînent comme à leur habitude quand la femme derrière moi appelle une amie.

« J’ai rencontré un homme qui a essayé de m’empêcher d’aller prier le chapelet à la messe de mercredi soir… », souffle t’elle.

Après un échange plutôt cocasse, la conclusion est sans appel : ça devait être le Malin…

Je crois que je vais encore laisser traîner mes oreilles quelques temps. C’est trop savoureux.

07 mai – Deux scènes, deux ambiances

Printemps 2023 : je suis au Japon, sur le quai de la gare de Tokyo. Une jeune fille a perdu son téléphone sur les rails. Le chef de gare, uniforme bleu et gants blancs, se précipite avec deux assistants. Armé d’une perche, il travaille avec patience. C’est tout un rituel et la pince a du mal à accrocher la fine plaque de métal ornée d’une pomme. Après 10 bonnes minutes, il extrait enfin le précieux sésame. La jeune fille tape des mains puis s’incline plusieurs fois pour le remercier. Le chef de gare et ses acolytes s’inclinent aussi. Elle s’incline plus bas encore. Puis, ils s’en vont tandis qu’elle agite les mains dans leur direction.

Printemps 2024 : je suis à la gare de Nyon. J’ai les doigts glacés et il pleut des cordes. Une jeune femme a laissé tomber son écouteur bluetooth sur les rails. Un ouvrier tout vêtu de orange se précipite. Sans demander son reste, hop, il saute sur les rails. Le ramasse. Remonte. Ca a pris 15 secondes. La jeune femme est si heureuse qu’elle le saisit par la coude, l’attire contre elle et lui plaque deux énormes bises sur les joues. Il rosit.

Deux lieux. Deux ambiances.

14 avril – Les drôleries du train

Je suis assise dans le TGV pour rentrer en Suisse. Mon voisin, un hispanophone très sympathique, se tourne vers moi :

– J’ai une consigne à vous donner : si je ronfle, donnez moi des coups de coude. J’ai de l’apnée du sommeil et je n’ai pas envie qu’on me jette du train.

Je rigole et j’obtempère.

Quinze minutes plus tard, il ronfle comme un camion, le menton calé sur sa poitrine. Il n’avait pas menti.

12 avril – La concentration

Je suis dans le train en direction de Paris. Un vieil homme a décidé qu’il allait faire la conversation à la personne située à sa droite, une jeune femme suisse allemande un peu trop sympa qui maîtrise incroyablement le français.

L’homme lui raconte sa vie à un volume sonore important. Tout le wagon est au courant de sa biographie.

Quand il apprend qu’elle est étudiante en médecine, la conversation prend alors une tournure très spécifique : entre sa cataracte, son arthrose et ses problèmes de dos, tout y passe – et ma patience avec.

Je n’ai plus l’habitude et je n’arrive pas à me concentrer. Je ne peux pas lire… pas travailler. Et bien évidemment, c’est le jour où j’ai oublié mes écouteurs.

C’était agréable de vivre dans un lieu où on ne comprenait rien et où je pouvais facilement fermer les écoutilles.

12 septembre – La mémoire des contrôleurs

En Suisse, le système de contrôle dans les trains reste encore traditionnel. Pas de bornes à l’entrée des gares, on laisse le client acheter son billet et monter dans le train sans vérification. Ensuite, le placement est libre. Pas de places numérotées comme en Chine ou en France. Chacun s’assied où il le veut, selon la classe payée.

Pendant le trajet, le contrôleur passe alors. Il doit arpenter le wagon à chaque gare et pourtant, il ne se trompe jamais, ne redemandant pas de voir le ticket des gens déjà contrôlés.