Le train file à travers les champs. Des strates vertes et jaunes s’étirent jusqu’aux maisons en pierres brutes.
Dans un champ, trois hérons grignotent, picotent dans les herbes. Quelques mètres plus loin, une biche est à l’orée d’un bosquet, les oreilles dressées, sa robe dorée offerte aux premiers rayons du soleil.
Puis, dans un village, j’aperçois un renard, tout petit, qui traverse une route.
L’un de mes péchés mignons depuis que je suis à nouveau dans un pays où je comprends ce qu’il se passe autour de moi est d’écouter les conversations des gens dans le train.
Ce soir, dans le 18h15 qui va à Neuchâtel, mes oreilles traînent comme à leur habitude quand la femme derrière moi appelle une amie.
« J’ai rencontré un homme qui a essayé de m’empêcher d’aller prier le chapelet à la messe de mercredi soir… », souffle t’elle.
Après un échange plutôt cocasse, la conclusion est sans appel : ça devait être le Malin…
Je crois que je vais encore laisser traîner mes oreilles quelques temps. C’est trop savoureux.
Pour la Nuit des Musées, nous nous rendons au Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel – et nous tombons, totalement par hasard sur une présentation incroyable : celle des automates Jaquet-Droz.
Comme le précise le site du MAHN, « les trois Automates Jaquet-Droz comptent parmi les pièces maitresses du Musée. » Ce n’est exagéré. C’est incroyable. Le présentateur est très intéressant et passionné, ce qui est agréable.
Construites à la Chaux de Fonds entre 1768 et 1774 par les horlogers Pierre Jacquet-Droz, Henri Louis Jacquet-Droz et Jean-Frederic Leschot, ces trois poupées mécaniques ont été les coqueluches du 18e siècle et il y avait de quoi. Les trois automates (la Musicienne, le Dessinateur et l’Écrivain) bougent grâce à un mécanisme horloger extrêmement complexe, qui fonctionne encore après plus de 200 ans.
Ils furent conçus pour impressionner les cours royales d’Europe et faire de la pub pour l’entreprise Jacquet-Droz et écrivaient des textes, dessinaient et jouaient de la musique. C’est à la fois techniquement fou (il faut voir les rouages dans la dos des poupées…), poétique… et flippant !
Les trois automates fonctionnent en démonstrations publiques, sans réservation, toute l’année, le premier dimanche de chaque mois, à 14 h, 15 h et 16 h. Le prix de la démonstration est compris dans le billet d’entrée au musée.
Certains regrettent la vie dure des clichés accrochés à la Suisse. Les banques. Le chocolat. Les montagnes et Heidi. Et les vaches, partout.
Ce matin, j’ai un rendez vous professionnel vers Vufflens la Ville. Google Maps m’indique qu’il faut 10 minutes de marche depuis la gare pour rejoindre le lieu.
Rien ne m’avait préparé à devoir traverser une forêt, une rivière et un champ de vaches avec ma sacoche d’ordinateur et mes bottines.
Oui, les clichés ont la vie dure. Mais sont ils réellement des clichés ? Vous avez 3 heures.
Printemps 2023 : je suis au Japon, sur le quai de la gare de Tokyo. Une jeune fille a perdu son téléphone sur les rails. Le chef de gare, uniforme bleu et gants blancs, se précipite avec deux assistants. Armé d’une perche, il travaille avec patience. C’est tout un rituel et la pince a du mal à accrocher la fine plaque de métal ornée d’une pomme. Après 10 bonnes minutes, il extrait enfin le précieux sésame. La jeune fille tape des mains puis s’incline plusieurs fois pour le remercier. Le chef de gare et ses acolytes s’inclinent aussi. Elle s’incline plus bas encore. Puis, ils s’en vont tandis qu’elle agite les mains dans leur direction.
Printemps 2024 : je suis à la gare de Nyon. J’ai les doigts glacés et il pleut des cordes. Une jeune femme a laissé tomber son écouteur bluetooth sur les rails. Un ouvrier tout vêtu de orange se précipite. Sans demander son reste, hop, il saute sur les rails. Le ramasse. Remonte. Ca a pris 15 secondes. La jeune femme est si heureuse qu’elle le saisit par la coude, l’attire contre elle et lui plaque deux énormes bises sur les joues. Il rosit.